Nous sommes le mardi 22 mars 2011, deuxième mardi de carême, ce jour historique de tenue de la foire des Cours.
Que représente exactement cette foire ?
La situation de Gien, au carrefour des voies de communication, bénéficiant de la navigation sur la Loire ne pouvait que lui donner la situation d’une ville marchande. Si l’on s’en réfère aux recherches de Mr Soyer, archiviste de renom dont l’opinion fait autorité en toponymie, l’ancien nom de la ville de Gien (Djomagus puis Giomus) veut dire « marché sacré », ce qui rend plausible la présence de marchés et foires dès l’époque gauloise.
En 561, Gien fut compris dans les possessions de Gontran 1er, petit fils de Clovis, roi de Bourgogne et d’Orléans, D’après M. Marchand : « il céda ses droits sur Gien à Saint Aunaire évêque d’Auxerre, après avoir doté cette localité d’une foire annuelle nommée les Cours » .Même si nous continuons de chercher l’original de cet acte écrit, il n’y a aucune raison de douter de cette affirmation tant la logique de l’intérêt d’une foire à ce carrefour paraît évidente.
C’est donc à la période 575 et 580 que cette foire remonte. Elle avait été fixée le deuxième lundi de carême. Etant l’une des premières en date, elle fixait le cours du bétail et des marchandises pour l’année. Elle était suivie le mardi d’une assemblée dite aux écorces où se fixait le cours des bois entre les marchands et les maîtres tanneurs. Ces deux jours fusionnèrent pour devenir les Cours de Gien le deuxième mardi de carême.
La foire des cours, côté marché aux chevaux au début du XXe siècle.
Dans les siècles qui suivirent, la foire donna des signes de faiblesse. Les plaintes des marchands sur sa durée d’une journée ne permettaient pas un déplacement fructueux et c’est à Philippe IV le Bel qu’ils présentèrent leur requête. Ce qui aboutit en 1317 à la Charte de Lorris signée par Philippe V et qui décréta une foire d’une semaine qui retrouva très vite sa splendeur.
C’est ainsi que, compte tenu de son importance, en septembre 1493, le roi Charles VIII par lettre patente rédigée à Courcelles donna à la ville de Gien « privilège de loy et d’arrest sur tous marchands estrangers » et le privilège à ce titre de posséder son propre hôtel de Ville. C’est également à la foire de 1505 que le roi Louis XII fit proclamer l’abolition des impôts et des droits de péage indus (droits que les barons, seigneurs et sujets faisaient payer aux marchands fréquentant la rivière de Loire).
Et notre foire continue à braver les siècles et à se développer. Bien avant le Révolution, Gien élevait des moutons produisant des laines de grande qualité. Beaucoup de fabriques de bonnets se sont crées pour fabriquer des coiffes destinées aux troupes du roi mais également celles vendus abondamment sur de nombreuses échoppes de la Foire des Cours.
Ramenée dans sa durée à un jour le deuxième mardi de carême et accompagnée d’une fête foraine les deux dimanches l’encadrant, elle est restée l’une des importantes foires de France jusque dans les années 1980.
La foule des badauds sur la foire des cours vers 1900.
Les Giennois qui sont nés jusqu’à l’après-guerre se souviennent du mardi des Cours. L’école, les services et les entreprises, dans un même élan, arrêtaient leur activité pour accompagner cette foire millénaire. Qui n’a pas gardé le souvenir de ces grandes réunions des familles venues de la campagne pour vendre et acheter, sans parler des retours parfois folkloriques et tardifs le soir de la foire.
Et puis comme, au temps de Philippe le Bel, la foire a connu un léger fléchissement. Le jour historique a été transféré, sans plus de réflexion, du deuxième mardi au matin du troisième dimanche de Carême, et nous pouvons regretter qu’elle ne fut pas accompagnée d’une réflexion sur sa dimension historique exceptionnelle qui aurait peut être abouti, comme à l’époque de Philippe IV et Philippe V à organiser le développement de ce patrimoine historique en créant une grande foire adaptée aux productions de notre temps…
Michel Tissier