Charles de Bourbon, le connétable qui a trahi

Le destin de Charles de Bourbon-Montpensier commence sous le signe de la réussite : cadet d’une branche cadette de la maison de Bourbon, les hasards dynastiques font de lui un jeune duc de 13 ans (1503), qui est marié en 1505 à sa cousine, seule enfant du duc précédent et fille d’Anne de Beaujeu, pour maintenir l’unité des biens familiaux. Cet heureux héritier est aussi un combattant valeureux, qui se distingue sur les champs de bataille des guerres d’Italie et obtient dès la fin du règne de Louis XII des fonctions importantes. A l’avènement de François Ier (1515), la prestigieuse charge de connétable vient couronner cette réussite. Charles a tout pour devenir un des principaux personnages du règne.

Il n’en sera rien. Rapidement, il est mis sur la touche, écarté d’Italie, puis des commandements militaires. A la mort de sa femme Suzanne (1521), une partie du patrimoine familial lui est disputée par la mère du roi. La méfiance s’installe des deux côtés et Charles, faute de parvenir à rétablir la confiance et à garantir sa position, finit par rompre avec le roi de France et passe au service de l’Empereur Charles Quint (1523). Ses biens sont confisqués et son procès est ouvert.

Dès lors, tout s’accélère : Charles dirige les armées impériales en Provence (1524) puis en Italie (1525). Son sort est lié à celui des armes ; la défaite française de Pavie, avec la capture de François Ier, semble devoir lui permettre de rétablir sa situation en France. Mais cette réhabilitation tant souhaitée n’a pas lieu car le roi ne respecte pas ce qu’il avait promis quand il était prisonnier de l’empereur. La guerre reprend et Charles achève sa courte vie en 1527 sous les murs de Rome où les troupes impériales viennent attaquer le pape, allié alors au roi de France. Au même moment à Paris, la condamnation définitive de l’ex-connétable pour lèse majesté est prononcée. François et sa mère se partagent les biens de Charles, avant qu’une petite partie ne soit rétrocédée à ses héritiers.

Le destin flamboyant de Charles de Bourbon, passionnant en lui-même, permet chemin faisant de nombreuses réflexions sur le fonctionnement de la société politique de la France de la Renaissance : sort d’une principauté enclavée au cœur du royaume ; poids des logiques dynastiques et familiales chez les protagonistes ; liens entre situation dans le royaume et à l’extérieur ; gestion des crises politiques ; querelle des mémoires…

Philippe HAMON, agrégé d’histoire, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud, est professeur d’histoire moderne à l’université Rennes 2 depuis 2004. Il est corresponsable avec Laurent Bourquin (Le Mans) du projet ANR « Conflits et politisation (13e-19e siècles) ». Il est membre du comité de rédaction de la Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine et trésorier de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine. Il a consacré ses premières recherches aux finances de la première moitié du 16e siècle et a contribué notamment à La France de la Renaissance. Histoire et dictionnaire (Paris, 2001). Son habilitation, soutenue en 2003, portait sur la représentation de l’argent dans la peinture européenne aux 15e-17e siècles.
Il en a tiré un livre : L’Or des peintres. L’image de l’argent du XVe au XVIIe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes 2010. Il est également l’auteur de Les Renaissances 1453-1559, Paris, Belin, 2009.