Gaston Paul Brun

L‘Histoire de mes aïeux que je n’ai pas connus, Gaston Paul Brun et Marceau Eugène Chatard, deux Giennois pris dans la « Tourmente » de la Grande Guerre.

samedi 14 octobre 2023 à 14h30

salle Henri de Linarès au Château-Musée de Gien

Marceau Eugène Chatard

Par le biais de cette conférence, mon objectif est de redonner vie, le plus précisément possible, au destin de mes deux aïeux et de leur famille respective, en offrant, à ces « oubliés de l’histoire », « une seconde chance, d’entrer dans la mémoire de leur siècle » (Alain Corbin) ; autrement dit, au début du XXe, et surtout au tournant du « moment 14-18 », qui a complètement bouleversé les sociétés européennes. Dresser leur portrait, et là, je reprends les mots de l’historien Erwan Le Gall, « c’est dresser celui d’une jeunesse, qui, à la suite d’un attentat commis à Sarajevo, n’en finit plus de hanter les esprits ». Dans une logique micro-historique, à la frontière de l’histoire « totale », trois parties permettront donc d’étudier le parcours parfois méconnu de ces jeunes gens :

Bataillons scolaires

Simples petits cultivateur et journalier du Giennois, Gaston et Marceau sont uniques en tant qu’individus et intéressants pour ce qu’ils représentent : c’est-à-dire un train de vie plutôt banal sous la IIIe République, entrecoupé de rites de passage ancrés dans la vie citoyenne (d’abord l’instruction républicaine mêlant revanche et discipline, comme ce fût le cas pour Marceau Chatard à l’école La Bosserie à Gien, ou encore, le « dressage » du service actif vécu par Gaston Brun à partir d’octobre 1913 à la caserne du 89e RI de Sens, qui achève la formation du citoyen républicain idéal et la transformation vers l’âge adulte) ; le tout étant brutalement interrompu par la mobilisation d’août 1914.

Symboles de cette « génération du feu », mes deux aïeux, comme vos ancêtres respectifs, font donc partie des 8 400 000 Français mobilisés, entre août 1914 et janvier 1919. L’étude du destin de Gaston, sergent et vétéran du 89e RI, et de Marceau, jeune sapeur du 6e Génie de la classe 1917 effectuant un « autre travail de guerre » (John Horne), permet donc d’effectuer une autre histoire de la Grande Guerre à la fois plus personnelle, plus sensible, et peut-être plus évocatrice. En effet, ayant vécu la « surprise du feu » durant les combats aux frontières (Cosnes-et-Romain – 22 août 1914), le déluge d’acier moderne avec l’installation de la guerre de siège et le « cycle des innovations » (Michel Goya) favorisant la « mort de masse » (comme à Vauquois en 1915), puis ayant participé à plusieurs hyper-batailles (Somme vers Bouchavesnes – 25 sept. 1916, Chemin des Dames vers la Caverne du Dragon et Craonne…), ou encore aux défenses désespérées (Noyon mars 1918) ainsi qu’à la « poursuite » des armées allemandes en 1918, mes deux parents sont donc bien les représentants emblématiques d’une génération de jeunes français engagée dans une guerre ayant profondément changé le destin de l’Europe.

Qu’en est-il de « l’après 11 novembre 1918 », question fondamentale et indissociable de l’étude du parcours d’un poilu (Bruno Cabanes) ? Démobilisés en août et sept. 1919, après avoir été réencasernés, Gaston et Marceau reprennent alors, tant bien que mal, leur vie civile ; celle qu’ils avaient laissée derrière eux, avec la mobilisation. Deux parcours, deux expériences de guerre différents, et donc deux retours distincts dans leur foyer respectif ; mes deux parents, comme l’ensemble des vétérans survivants, aussi bien marqués tant sur le plan physique que psychologique, représentent alors, selon Antoine Prost, « le souvenir durable d’un massacre sans précédent » ; autant de traumatismes dont ils ne parviennent pas à se défaire

Alors que la Grande Guerre disparaît largement des préoccupations mémorielles contemporaines, encore plus, depuis le décès des vétérans et surtout, du dernier témoin de cette génération du feu, Lazare Ponticelli (2008) ; cette étude, sans prétendre à l’exhaustivité, est l’occasion de réactiver une mémoire collective et locale de la Première Guerre mondiale, trop souvent délaissée.

Arnaud BOUCHARD

Mémoire de Master PCS (Pouvoirs, Cultures et Sociétés) – Université LLSH d’Orléans